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TOULON du 17 Novembre 1937 au 28 Juin 1938
CASABLANCA du 31 Janvier au 8 Février 1939
BREST du 22 Juillet 1938 au 18 Janvier 1939
ORAN, du 10 au 13 Février 1939
Attaque de MERS-EL-KEBIR du 3 au 6 Juillet 1940
Destination DAKAR – mars 1941
Destination TUNISIE octobre 1940

Noël Le Moult 1937-1941

Noël Le Moult, radio-télégraphiste volant, à bord d'un Loire 130 disparait en mer au large de Dakar en 1941, après divers embarquement depuis la France en Afrique du Nord et au Sénégal

TOULON du 17 Novembre 1937 \nau 28 Juin 1938\n

Le 15 Novembre 1937, je m’engage dans la Marine. Le 17, je suis au dépôt de TOULON. Le 1er Décembre 1937 j’embarque sur le "RHIN" pour suivre un cours de radio qui dure 3 mois. De là, je passe sur "L’OCEAN" où je termine mon cours le 28 Juin 1938Le 15 Novembre 1937, je m’engage dans la Marine. Le 17, je suis au dépôt de TOULON. Le 1er Décembre 1937 j’embarque sur le "RHIN" pour suivre un cours de radio qui dure 3 mois. De là, je passe sur "L’OCEAN" où je termine mon cours le 28 Juin 1938

BREST du 22 Juillet 1938 \nau 18 Janvier 1939

Arrivé au dé­pôt, j’apprends qu’au lieu de l’Audacieux c’est sur le cuirassé "BRETAGNE" où je suis affecté.  
Figure 2 Le croiseur la Bretagne
J’embarque le 23 octobre. Le 27 nous appa­reillons pour faire des tirs au large de MORGAT, qui durent 3 jours. Le soir même, nous mouillons en face de MORGAT. Le lendemain, nous y restons toute la journée. Le temps est mauvais. Le vent est violent, accompagné d’averses de grêle. Cependant, l’après-midi on nous fait faire de l’embarcation, mais c’est à peine si nous pouvons avancer.
Le 30 octobre 1938 au matin, nous sommes de retour à BREST. Nous y restons jusqu’au 17 novembre. Ce jour-là nous le passons en mer puis nous rentrons pour repartir à nouveau le 21. Cette fois, nous restons jusqu’au 30 novembre. Nous allons à QUIBERON par mauvais temps. Il se met au beau seulement le dernier jour, un dimanche. A l’occasion de la St Eloi, le commandant organise une petite fête qui nous fait passer agréablement la journée. Le lendemain 31 novembre 1938, nous sommes de retour à BREST. Le ciel est clair mais la houle est grosse. Dès notre arrivée, nous entrons en cale sèche à LANNION, en rade-abri. Nous y restons jusqu’au 15 décembre environ, puis dans l’arsenal, sous la grande grue où nous restons jusqu’au 4 janvier 1939. Après quoi, le "BRETAGNE" regagne son coffre au fond de la rade. Ne pouvant prendre de permission à la fin de l’année 1938, je passe la fête de Noël chez ma tante Marie de façon agréable.
Jeudi 12 Janvier 1939 : Nous achevons les préparatifs pour un départ possible en tournée le 18.
En mer, du 18 au 31 Janvier 1939 avec escale aux Acores,
Mercredi 18 Janvier 1939 : Ayant passé la soirée de la veille à terre je rentre le matin à bord. Le vent souffle fort, il pleut de temps à autre ce qui laisse prévoir une grosse mer. Nous quittons la rade-abri à midi. Nous attendons le "LORRAINE" qui nous rejoint quelques instants plus tard.
Samedi 21 Janvier 1939 : Nous naviguons toujours. Depuis BREST, je suis malade. La mer est fortement houleuse.
Dimanche 22 Janvier 1939 : Le temps est plus calme. Nous devons ar­river aux Açores dans la soirée ou le lendemain au plus tard.
Lundi 23 Janvier 1939 : Nous mouillons devant PONTA DELGADA qui est la capitale de l’île San Miguel. Je sors l’après-midi. Il fait un temps splendide, mais la houle est forte. Elle nous oblige à faire de l’acrobatie pour embarquer sur la vedette. Il est déjà 14H30 quand nous arrivons à quai. Nous gagnons le centre de la ville. PONTA DELGADA peut avoir environ 1o.ooo h. Elle est bâtie au pied de collines d’origine volcanique qui la protègent des vents d’ouest, NO. Aussi il n’y fait jamais froid. Nous passons en revue les principaux monuments et places. Les rues sont droites et très propres. Les mai­sons sont presque toutes peintes. Partout nous sommes assaillis par des gamins qui nous réclament des cigarettes françaises dont ils sem­blent particulièrement friands. Chose étrange, ici, nous ne rencon­trons pas de femmes, toutes paraissent nous fuir. Cependant les gens ne nous montrent pas d’hostilité mais une certaine réserve. Nous goû­tons aux vins du pays, puis nous rentrons à bord. Le vent s’est levé et la mer est encore plus mauvaise qu’à notre départ. Aussi il nous faut attendre plus d’une heure pour regagner le navire, encore sommes-nous obligés de monter l’un après l’autre par l’échelle de corde.
Mercredi 25 Janvier 1939 : Nous sortons à nouveau avec l’intention, cette fois, de visiter les environs de la ville, particulièrement des serres où on cultive l’ananas. Le temps est toujours très beau, il fait même chaud. Nous ne nous arrêtons en ville que pour échanger quelque monnaie, puis nous filons directement vers les jardins que l’on voit du port, étagés à flanc de colline. Nous devons faire vite, car nous n’avons que quelques heures à passer à terre. Heureusement l’un de nous connaît l’espagnol. Cela nous aide à nous faire comprendre. Nous arrivons, au bout d’une demi-heure aux serres. Nous demandons à les visiter, ce qui nous est accordé facilement moyennant quelques ciga­rettes. Les serres sont fort bien entretenues. La fertilité du sol volcanique et la température se prêtent merveilleusement à cette cul­ture qui doit être, je crois, une des richesses du pays. Contre 5 escudos, nous achetons un ananas que nous dégustons sur place. Nous terminons notre promenade en ville où nous goûtons au porto de l’île qui est excellent, mais très fort en alcool comme d’ailleurs la plupart des liqueurs que l’on vend ici. Après force discussion, nous faisons l’emplette d’un ou deux ananas, puis nous nous dirigeons vers les quais où se sont groupés une cinquantaine de marchands de fruits qui ces jours-ci semblent faire des affaires.
Vendredi 27 Janvier 1939 : Nous quittons PONTA DELGADA pour CASABLANCAArrivé au dé­pôt, j’apprends qu’au lieu de l’Audacieux c’est sur le cuirassé "BRETAGNE" où je suis affecté.  

Figure 2 Le croiseur la Bretagne

J’embarque le 23 octobre. Le 27 nous appa­reillons pour faire des tirs au large de MORGAT, qui durent 3 jours. Le soir même, nous mouillons en face de MORGAT. Le lendemain, nous y restons toute la journée. Le temps est mauvais. Le vent est violent, accompagné d’averses de grêle. Cependant, l’après-midi on nous fait faire de l’embarcation, mais c’est à peine si nous pouvons avancer.

Le 30 octobre 1938 au matin, nous sommes de retour à BREST. Nous y restons jusqu’au 17 novembre. Ce jour-là nous le passons en mer puis nous rentrons pour repartir à nouveau le 21. Cette fois, nous restons jusqu’au 30 novembre. Nous allons à QUIBERON par mauvais temps. Il se met au beau seulement le dernier jour, un dimanche. A l’occasion de la St Eloi, le commandant organise une petite fête qui nous fait passer agréablement la journée. Le lendemain 31 novembre 1938, nous sommes de retour à BREST. Le ciel est clair mais la houle est grosse. Dès notre arrivée, nous entrons en cale sèche à LANNION, en rade-abri. Nous y restons jusqu’au 15 décembre environ, puis dans l’arsenal, sous la grande grue où nous restons jusqu’au 4 janvier 1939. Après quoi, le "BRETAGNE" regagne son coffre au fond de la rade. Ne pouvant prendre de permission à la fin de l’année 1938, je passe la fête de Noël chez ma tante Marie de façon agréable.

Jeudi 12 Janvier 1939 : Nous achevons les préparatifs pour un départ possible en tournée le 18.

En mer, du 18 au 31 Janvier 1939 avec escale aux Acores,

Mercredi 18 Janvier 1939 : Ayant passé la soirée de la veille à terre je rentre le matin à bord. Le vent souffle fort, il pleut de temps à autre ce qui laisse prévoir une grosse mer. Nous quittons la rade-abri à midi. Nous attendons le "LORRAINE" qui nous rejoint quelques instants plus tard.

Samedi 21 Janvier 1939 : Nous naviguons toujours. Depuis BREST, je suis malade. La mer est fortement houleuse.

Dimanche 22 Janvier 1939 : Le temps est plus calme. Nous devons ar­river aux Açores dans la soirée ou le lendemain au plus tard.

Lundi 23 Janvier 1939 : Nous mouillons devant PONTA DELGADA qui est la capitale de l’île San Miguel. Je sors l’après-midi. Il fait un temps splendide, mais la houle est forte. Elle nous oblige à faire de l’acrobatie pour embarquer sur la vedette. Il est déjà 14H30 quand nous arrivons à quai. Nous gagnons le centre de la ville. PONTA DELGADA peut avoir environ 1o.ooo h. Elle est bâtie au pied de collines d’origine volcanique qui la protègent des vents d’ouest, NO. Aussi il n’y fait jamais froid. Nous passons en revue les principaux monuments et places. Les rues sont droites et très propres. Les mai­sons sont presque toutes peintes. Partout nous sommes assaillis par des gamins qui nous réclament des cigarettes françaises dont ils sem­blent particulièrement friands. Chose étrange, ici, nous ne rencon­trons pas de femmes, toutes paraissent nous fuir. Cependant les gens ne nous montrent pas d’hostilité mais une certaine réserve. Nous goû­tons aux vins du pays, puis nous rentrons à bord. Le vent s’est levé et la mer est encore plus mauvaise qu’à notre départ. Aussi il nous faut attendre plus d’une heure pour regagner le navire, encore sommes-nous obligés de monter l’un après l’autre par l’échelle de corde.

Mercredi 25 Janvier 1939 : Nous sortons à nouveau avec l’intention, cette fois, de visiter les environs de la ville, particulièrement des serres où on cultive l’ananas. Le temps est toujours très beau, il fait même chaud. Nous ne nous arrêtons en ville que pour échanger quelque monnaie, puis nous filons directement vers les jardins que l’on voit du port, étagés à flanc de colline. Nous devons faire vite, car nous n’avons que quelques heures à passer à terre. Heureusement l’un de nous connaît l’espagnol. Cela nous aide à nous faire comprendre. Nous arrivons, au bout d’une demi-heure aux serres. Nous demandons à les visiter, ce qui nous est accordé facilement moyennant quelques ciga­rettes. Les serres sont fort bien entretenues. La fertilité du sol volcanique et la température se prêtent merveilleusement à cette cul­ture qui doit être, je crois, une des richesses du pays. Contre 5 escudos, nous achetons un ananas que nous dégustons sur place. Nous terminons notre promenade en ville où nous goûtons au porto de l’île qui est excellent, mais très fort en alcool comme d’ailleurs la plupart des liqueurs que l’on vend ici. Après force discussion, nous faisons l’emplette d’un ou deux ananas, puis nous nous dirigeons vers les quais où se sont groupés une cinquantaine de marchands de fruits qui ces jours-ci semblent faire des affaires.
Vendredi 27 Janvier 1939 : Nous quittons PONTA DELGADA pour CASABLANCAArrivé au dé­pôt, j’apprends qu’au lieu de l’Audacieux c’est sur le cuirassé "BRETAGNE" où je suis affecté.  

Figure 2 Le croiseur la Bretagne

J’embarque le 23 octobre. Le 27 nous appa­reillons pour faire des tirs au large de MORGAT, qui durent 3 jours. Le soir même, nous mouillons en face de MORGAT. Le lendemain, nous y restons toute la journée. Le temps est mauvais. Le vent est violent, accompagné d’averses de grêle. Cependant, l’après-midi on nous fait faire de l’embarcation, mais c’est à peine si nous pouvons avancer.

Le 30 octobre 1938 au matin, nous sommes de retour à BREST. Nous y restons jusqu’au 17 novembre. Ce jour-là nous le passons en mer puis nous rentrons pour repartir à nouveau le 21. Cette fois, nous restons jusqu’au 30 novembre. Nous allons à QUIBERON par mauvais temps. Il se met au beau seulement le dernier jour, un dimanche. A l’occasion de la St Eloi, le commandant organise une petite fête qui nous fait passer agréablement la journée. Le lendemain 31 novembre 1938, nous sommes de retour à BREST. Le ciel est clair mais la houle est grosse. Dès notre arrivée, nous entrons en cale sèche à LANNION, en rade-abri. Nous y restons jusqu’au 15 décembre environ, puis dans l’arsenal, sous la grande grue où nous restons jusqu’au 4 janvier 1939. Après quoi, le "BRETAGNE" regagne son coffre au fond de la rade. Ne pouvant prendre de permission à la fin de l’année 1938, je passe la fête de Noël chez ma tante Marie de façon agréable.

Jeudi 12 Janvier 1939 : Nous achevons les préparatifs pour un départ possible en tournée le 18.

En mer, du 18 au 31 Janvier 1939 avec escale aux Acores,

Mercredi 18 Janvier 1939 : Ayant passé la soirée de la veille à terre je rentre le matin à bord. Le vent souffle fort, il pleut de temps à autre ce qui laisse prévoir une grosse mer. Nous quittons la rade-abri à midi. Nous attendons le "LORRAINE" qui nous rejoint quelques instants plus tard.

Samedi 21 Janvier 1939 : Nous naviguons toujours. Depuis BREST, je suis malade. La mer est fortement houleuse.

Dimanche 22 Janvier 1939 : Le temps est plus calme. Nous devons ar­river aux Açores dans la soirée ou le lendemain au plus tard.

Lundi 23 Janvier 1939 : Nous mouillons devant PONTA DELGADA qui est la capitale de l’île San Miguel. Je sors l’après-midi. Il fait un temps splendide, mais la houle est forte. Elle nous oblige à faire de l’acrobatie pour embarquer sur la vedette. Il est déjà 14H30 quand nous arrivons à quai. Nous gagnons le centre de la ville. PONTA DELGADA peut avoir environ 1o.ooo h. Elle est bâtie au pied de collines d’origine volcanique qui la protègent des vents d’ouest, NO. Aussi il n’y fait jamais froid. Nous passons en revue les principaux monuments et places. Les rues sont droites et très propres. Les mai­sons sont presque toutes peintes. Partout nous sommes assaillis par des gamins qui nous réclament des cigarettes françaises dont ils sem­blent particulièrement friands. Chose étrange, ici, nous ne rencon­trons pas de femmes, toutes paraissent nous fuir. Cependant les gens ne nous montrent pas d’hostilité mais une certaine réserve. Nous goû­tons aux vins du pays, puis nous rentrons à bord. Le vent s’est levé et la mer est encore plus mauvaise qu’à notre départ. Aussi il nous faut attendre plus d’une heure pour regagner le navire, encore sommes-nous obligés de monter l’un après l’autre par l’échelle de corde.

Mercredi 25 Janvier 1939 : Nous sortons à nouveau avec l’intention, cette fois, de visiter les environs de la ville, particulièrement des serres où on cultive l’ananas. Le temps est toujours très beau, il fait même chaud. Nous ne nous arrêtons en ville que pour échanger quelque monnaie, puis nous filons directement vers les jardins que l’on voit du port, étagés à flanc de colline. Nous devons faire vite, car nous n’avons que quelques heures à passer à terre. Heureusement l’un de nous connaît l’espagnol. Cela nous aide à nous faire comprendre. Nous arrivons, au bout d’une demi-heure aux serres. Nous demandons à les visiter, ce qui nous est accordé facilement moyennant quelques ciga­rettes. Les serres sont fort bien entretenues. La fertilité du sol volcanique et la température se prêtent merveilleusement à cette cul­ture qui doit être, je crois, une des richesses du pays. Contre 5 escudos, nous achetons un ananas que nous dégustons sur place. Nous terminons notre promenade en ville où nous goûtons au porto de l’île qui est excellent, mais très fort en alcool comme d’ailleurs la plupart des liqueurs que l’on vend ici. Après force discussion, nous faisons l’emplette d’un ou deux ananas, puis nous nous dirigeons vers les quais où se sont groupés une cinquantaine de marchands de fruits qui ces jours-ci semblent faire des affaires.
Vendredi 27 Janvier 1939 : Nous quittons PONTA DELGADA pour CASABLANCAArrivé au dé­pôt, j’apprends qu’au lieu de l’Audacieux c’est sur le cuirassé "BRETAGNE" où je suis affecté.  

Figure 2 Le croiseur la Bretagne

J’embarque le 23 octobre. Le 27 nous appa­reillons pour faire des tirs au large de MORGAT, qui durent 3 jours. Le soir même, nous mouillons en face de MORGAT. Le lendemain, nous y restons toute la journée. Le temps est mauvais. Le vent est violent, accompagné d’averses de grêle. Cependant, l’après-midi on nous fait faire de l’embarcation, mais c’est à peine si nous pouvons avancer.

Le 30 octobre 1938 au matin, nous sommes de retour à BREST. Nous y restons jusqu’au 17 novembre. Ce jour-là nous le passons en mer puis nous rentrons pour repartir à nouveau le 21. Cette fois, nous restons jusqu’au 30 novembre. Nous allons à QUIBERON par mauvais temps. Il se met au beau seulement le dernier jour, un dimanche. A l’occasion de la St Eloi, le commandant organise une petite fête qui nous fait passer agréablement la journée. Le lendemain 31 novembre 1938, nous sommes de retour à BREST. Le ciel est clair mais la houle est grosse. Dès notre arrivée, nous entrons en cale sèche à LANNION, en rade-abri. Nous y restons jusqu’au 15 décembre environ, puis dans l’arsenal, sous la grande grue où nous restons jusqu’au 4 janvier 1939. Après quoi, le "BRETAGNE" regagne son coffre au fond de la rade. Ne pouvant prendre de permission à la fin de l’année 1938, je passe la fête de Noël chez ma tante Marie de façon agréable.

Jeudi 12 Janvier 1939 : Nous achevons les préparatifs pour un départ possible en tournée le 18.

En mer, du 18 au 31 Janvier 1939 avec escale aux Acores,

Mercredi 18 Janvier 1939 : Ayant passé la soirée de la veille à terre je rentre le matin à bord. Le vent souffle fort, il pleut de temps à autre ce qui laisse prévoir une grosse mer. Nous quittons la rade-abri à midi. Nous attendons le "LORRAINE" qui nous rejoint quelques instants plus tard.

Samedi 21 Janvier 1939 : Nous naviguons toujours. Depuis BREST, je suis malade. La mer est fortement houleuse.

Dimanche 22 Janvier 1939 : Le temps est plus calme. Nous devons ar­river aux Açores dans la soirée ou le lendemain au plus tard.

Lundi 23 Janvier 1939 : Nous mouillons devant PONTA DELGADA qui est la capitale de l’île San Miguel. Je sors l’après-midi. Il fait un temps splendide, mais la houle est forte. Elle nous oblige à faire de l’acrobatie pour embarquer sur la vedette. Il est déjà 14H30 quand nous arrivons à quai. Nous gagnons le centre de la ville. PONTA DELGADA peut avoir environ 1o.ooo h. Elle est bâtie au pied de collines d’origine volcanique qui la protègent des vents d’ouest, NO. Aussi il n’y fait jamais froid. Nous passons en revue les principaux monuments et places. Les rues sont droites et très propres. Les mai­sons sont presque toutes peintes. Partout nous sommes assaillis par des gamins qui nous réclament des cigarettes françaises dont ils sem­blent particulièrement friands. Chose étrange, ici, nous ne rencon­trons pas de femmes, toutes paraissent nous fuir. Cependant les gens ne nous montrent pas d’hostilité mais une certaine réserve. Nous goû­tons aux vins du pays, puis nous rentrons à bord. Le vent s’est levé et la mer est encore plus mauvaise qu’à notre départ. Aussi il nous faut attendre plus d’une heure pour regagner le navire, encore sommes-nous obligés de monter l’un après l’autre par l’échelle de corde.

Mercredi 25 Janvier 1939 : Nous sortons à nouveau avec l’intention, cette fois, de visiter les environs de la ville, particulièrement des serres où on cultive l’ananas. Le temps est toujours très beau, il fait même chaud. Nous ne nous arrêtons en ville que pour échanger quelque monnaie, puis nous filons directement vers les jardins que l’on voit du port, étagés à flanc de colline. Nous devons faire vite, car nous n’avons que quelques heures à passer à terre. Heureusement l’un de nous connaît l’espagnol. Cela nous aide à nous faire comprendre. Nous arrivons, au bout d’une demi-heure aux serres. Nous demandons à les visiter, ce qui nous est accordé facilement moyennant quelques ciga­rettes. Les serres sont fort bien entretenues. La fertilité du sol volcanique et la température se prêtent merveilleusement à cette cul­ture qui doit être, je crois, une des richesses du pays. Contre 5 escudos, nous achetons un ananas que nous dégustons sur place. Nous terminons notre promenade en ville où nous goûtons au porto de l’île qui est excellent, mais très fort en alcool comme d’ailleurs la plupart des liqueurs que l’on vend ici. Après force discussion, nous faisons l’emplette d’un ou deux ananas, puis nous nous dirigeons vers les quais où se sont groupés une cinquantaine de marchands de fruits qui ces jours-ci semblent faire des affaires.
Vendredi 27 Janvier 1939 : Nous quittons PONTA DELGADA pour CASABLANCA

ORAN, du 10 au 13 Février 1939

Attaque de MERS-EL-KEBIR \ndu 3 au 6 Juillet 1940

Attaque de MERS-EL-KEBIR du 3 au 6 Juillet 1940

                    3 Juillet 1940 Mais il en est autrement. Vers 9 Heures du matin nous voyons apparaître en face d'ORAN un contre-torpilleur que nous prenons tout d'abord pour un italien. Nous n'y attachons pas tellement d'importance parce que nous pensons que ce sont les membres de la commission d'armistice. Bientôt nous apprenons que ce navire n'est pas italien mais anglais. Au même moment je vois l'Amiral GENSOUL sur la plage arrière. Je l'entends donner l'ordre à un officier de surveiller les mouvements du navire en question. Presque aussitôt, sans que nous comprenions pourquoi, on commence d'amener les tentes, pendant qu'une bordée de mécaniciens prend le service "à la mer" et commence à allumer les feux. Sur les passerelles les ordres sont transmis sans arrêt par pavillon et par scott. Dans toute l'escadre règne maintenant une activité inaccoutumée que nous ne pouvons nous expliquer. Au large, nous voyons apparaître toute escadre. Parmi les grosses unités il nous est facile de reconnaître entre autres le "HOOD". Peu après nous mettons rapidement en état de marche nos deux hydravions et nous les plaçons sur l'eau, en ne sachant toujours rien de ce qui se passe. Tout à coup nous voyons le navire anglais s'éloigner d'ORAN. C'est alors que nous apprenons qu'un destroyer est chargé par l'amiral anglais de venir nous imposer un ultimatum selon lequel nous nous joignons à eux ou nous coulons sur place notre escadre. Cet ultimatum est naturellement jugé inacceptable. Nous répondons que nous répondrons à la force par la force. Le destroyer s'en va. La mer se couvre de brume qui nous masque à la vue de l'escadre anglaise. Tout est calme, chacun de nous se demande ce que tout cela peut bien signifier.


Peu avant le repas, pendant un moment de détente, alors que nous discutons entre nous des propositions anglaises que personne n'arrive à expliquer, nous voyons apparaître brusquement un groupe de cinq appareils de "l'ARK ROYAL" qui viennent miner la passe et disparaissent aussitôt. Ils sont suivis par d'autres avions lesquels survolent désormais, sans interruption, l'escadre. Depuis 11 heures du matin nos deux hydravions sont aux coffres *[1] et maintenant il est 14 heures. Nous attendons depuis un bon moment sur la plage arrière l'ordre de partir. Vers 15 heures une vedette vient nous chercher pour nous conduire à bord de nos "hydros". L'ordre de décoller doit nous être signifié du "DUNKERQUE" par projecteur.

 

Pendant plus de deux heures et demie, nous restons attendre cet ordre qui ne vient pas. A côté de nous se trouvent le 2° "taxi" du DK [2] et les deux du "STRASBOURG". Pendant ce temps l'aviation de l'ARK-ROYAL ne cesse de survoler l'escadre. Certains avions descendent même à moins de 100 m. A deux reprises l'équipage a été mis au poste de combat. Vers 17H30 on fait rompre l'alerte. Quant à nous, nous nous demandons bien à quoi rime cette comédie. Lorsqu'à nouveau une vedette vient du bord nous prendre pour dîner. Nous pensons alors que tout est terminé, mais à peine arrivons-nous à la hauteur du "DUNKERQUE" qu'un officier nous fait signe, du haut de la passerelle, de faire demi-tour. Nous avons juste le temps de retourner sur notre hydravion que sonne, une nouvelle fois, l'appel au poste de combat, et que simultanément l'ordre d'appareillage est donné. Quelques minutes impressionnantes s'écoulent lorsque retentissent quatre fortes détonations suivies d'autant de gerbes d'eau. Puis ce sont plusieurs autres explosions. Nous venons de larguer l'amarre du coffre quand je vois une flamme immense sortir de la cheminée centrale du "BRETAGNE" mon ancien navire.

 

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Figure 6: La Bretagne en flammes, coule.
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   Nous avons réussi à mettre le moteur en route et nous nous apprêtons à décoller, quand, au milieu de cet enfer, une explosion fantastique retentit du "BRETAGNE", tout entier en flamme, entraînant avec lui, au fond de l'eau, les 1100 hommes à bord.


Nous sommes en l'air depuis quelques minutes, en direction de l'escadre anglaise, lorsque le pilote fait un piqué vertigineux et nous fait amerrir. Nous avons été pris en chasse par un avion de l'ark-royal qui disparaît presque aussitôt. Nous reprenons l'air et nous nous approchons de l'escadre anglaise. Nous apercevons trois destroyers anglais qui se dirigent vers GIBRALTAR. Nous les signalons par radio, mais n'ayant pas de bombes nous sommes obligés de les laisser continuer leur route. Sans réponse du DUNKERQUE à nos messages, ne le voyant pas hors de la rade, nous faisons route vers MERS-EL-KEBIR.

Là s'offre à nous le plus tragique des spectacles. Un cuirassé est complètement retourné, seule la quille émerge encore. Un autre est échoué, ainsi que le DUNKERQUE. Un contre-torpilleur a tout l'arrière en flammes. Le capitaine voyant que nous n'avons rien d'utile à faire en l'air décide de se poser. La manœuvre s'avère délicate devant les débris de toutes sortes qui couvrent la rade. Cependant tout se passe bien, nous prenons un coffre. Une vedette vient nous ramener à bord. Pour monter sur la coupée arrière, il nous faut faire de véritables acrobaties parce qu’un obus de 406 avait, entre autres, supprimé plusieurs échelons. En accédant sur la plage arrière, nous nous heurtons à des débris de ferraille et de bois. Un obus avait détruit ou endommagé la coupée avant, le hangar d'aviation, le pont et la cloison bâbord sans éclater. On nous apprend qu'un autre obus a percé la cloison tribord et a sectionné un collecteur principal de vapeur, bloquant deux "rues" de chauffe et faisant un grand nombre de victimes parmi les chauffeurs et les mécaniciens. C'est ce qui explique l'échappement intempestif de va­peur par la cheminée qui avait fait craindre une autre explosion. Un troisième obus est tombé dans une soute à munitions de 130. Un quatrième projectile a atteint la tourelle 2 de 330, tuant la moitié de ses occupants. Nous étions venus prendre les ordres concernant notre avion, mais la seule chose qui importait maintenant était l'évacuation du navire. La vie à bord était devenue impossible. La plupart des tranches (compartiments) étaient noyées, la vapeur sortait de partout. Il s'exhalait une odeur indéfinissable de cadavre grillé. En effet, nous remontons des chaufferies et salles des machines plus guère que des morts ou mourants horriblement mutilés et défigurés.

Figure 7 Cercueils sur le pont du Dunkerque

Quant aux survivants, nous les rassemblons sur la plage avant. On nous distribue un repas sommaire. Nous terminons notre dîner improvisé lorsque retentit la sonnerie aux couleurs. Je n'ai jamais connu de minutes plus émouvantes. Tandis qu'aux accents du clairon, est doucement amené le drapeau, la rade tout entière prend un aspect apocalyptique. Le "BRETAGNE" retourné s'enfonce lentement dans les flots entraînant avec lui tout son équipage. Le "MOGADOR" est entouré d'un épais panache de fumée noire.

 

Le "PROVENCE" donne de la bande, le "DUNKERQUE" fait de même. La mer est recouverte d'une épaisse couche de mazout de laquelle émerge des débris épars. Aux derniers sons du clairon succède un instant de silence qui fait place au cri de "Vive la France" ! De la magnifique escadre qui se trouvait réunie quelques heures plus tôt, seul, des quatre cuirassés, le "STRASBOURG" a pu sortir de la rade, entraînant avec lui les filets qui fermaient la passe et protégeant par son tir, les torpilleurs et contre-torpilleurs qui ont pu le suivre.

Figure 8 Les navires à Mers el Kebir

 Nous entendons un tir nourri de DCA de navires anglais dirigés sur nos hydravions venus d'ARZEW bombarder l'ark royal. Bientôt la nuit vient mettre son voile sur ce carnage. Le commandant ayant fait accoster deux chalutiers, nous commençons l'évacuation qui dure une bonne heure. On nous dépose sur la digue où nous passons la plus grande partie de la nuit, non sans avoir changé vingt fois de place. Finalement vers 3 heures du matin nous retournons à bord récupérer le plus possible de nos effets. Cette fois les abords du "DK" sont occupés par d’immenses radeaux. Nous accostons l'un d'eux, mais nous devons attendre un moment avant de monter à bord car on descend sans arrêt des cadavres que l'on a enveloppés dans des hamacs. Une vingtaine se trouve déjà sur le radeau. C'est un spectacle effrayant. Lorsque nous arrivons sur le pont, nous constatons que les abords de l'infirmerie ont été déblayés. On apprend que l'on remonte toujours des morts, des mourants et quelques rescapés. Nous faisons un détour pour nous diriger vers l'arrière parmi des débris de ferraille. Notre "tranche" n'a pratiquement pas été touchée. Par contre il y a de l'eau presque partout. Nous faisons rapidement nos sacs puis nous retournons sur le chalutier. Nous attendons encore une heure avant d'être ramenés au quai. Là encore nous accostons un radeau couvert de cadavres qu'une corvée charge dans une camionnette. Sur les quais nous avançons avec peine car il fait nuit noire et là aussi des débris jonchent le sol. Nous attendons une heure ou deux allongés sur nos ceintures de sauvetage. Ensuite nous sommes rassemblés pour être dirigés sur ORAN. Nos bagages doivent être chargés dans une camionnette alors que nous montons dans un camion pour le déplacement. En arrivant en ville, je m'aperçois que mon sac et ma valise contenant près d'un millier de francs n'ont pas été chargés. C'était toute ma fortune. Je dois donc retourner sur le quai. Après de nombreuses recherches parmi des centaines de sacs et valises, je découvre enfin mon bien. Je retourne alors à O­RAN où nous sommes hébergés dans une école. Nous y demeurons près de 2 jours.

Sur le "CHAMPOLLION" du 5 au 9 juillet 1940

Le 5 Juillet 1940

Vers 15, 16 heures de l'après-midi l'équipage du "DK" est embarqué, provisoirement, à bord du paquebot "Champollion". Nos bagages, cette fois, nous précèdent et sont placés dans la cale avant du bateau. Je retrouve à bord une partie de mes camarades. Des mécaniciens, électriciens, chauffeurs et d'autres volontaires valides étaient retournés sur le "DK", dès le lendemain de l'attaque pour retirer les cadavres qui s'y trouvaient encore. Selon leurs dires, il restait encore une machine capable d'être mise en marche. On espérait déséchouer le cuirassé. C'est pourquoi 300 hommes se trouvaient encore à bord. Nous sommes installés dans les logements de passagers des 4° et 5° classes. Les locaux ne sont pas propres mais nous mangeons chaud et nous avons de quoi nous reposer. La nuit se passe sans incident.

Le 6 Juillet 1940
Le lendemain matin nous nous levons, comme d'habitude, vers 6 heures. Nous sommes tranquillement à prendre notre "jus" sur la plage avant lorsque nous entendons le bruit de moteur d'un avion. Nous regardons dans la direction. Nous reconnaissons aisément les avions de l'ark-royal. Ce sont eux aussi qui avaient posé des mines magnétiques 3 jours auparavant. Ils volent à basse altitude, par groupe de 3. Ils se dirigent vers notre cuirassé. Aussitôt après, de fortes explosions se produisent. Notre malheureux navire est attaqué, cette fois à la torpille. Le plus triste est la présence de 300 hommes à bord. Des chalutiers sont amarrés de chaque bord du DUNKERQUE dans le but d'évacuer le personnel en cas d'alerte. L'un d'eux reçoit la première torpille qui le sectionne en deux et envoie sa passerelle s'écraser sur la plage avant du DK où se trouve rassemblé une grande partie de l'équipage. Un grand nombre est tué par la violence de l'explosion et par les éclats et projectiles qui tombent sur eux. L'autre chalutier est également torpillé. Il coule à pic. Une troisième torpille pénètre dans le flanc tribord avant. Elle y fait une énorme brèche. L'explosion cause encore de nouvelles victimes. Enfin les aviateurs anglais, non contents sans doute de leurs résultats, attaquent maintenant à la mitrailleuse les malheureux qui se sauvent à la nage ou dans des embarcations. Ils repartent en rase-motte de même qu'ils sont venus pour éviter les tirs de la DCA. Le nombre des victimes est, au moins égal, sinon supérieur à celui de la première attaque. Cette fois le navire est complètement abandonné. Les quelques rescapés viennent nous rejoindre sur le CHAMPOLLION. Je reste encore 3 jours sur le paquebot. Mon capitaine se souvenant de mon volontariat pour être intégré dans une escadrille d'exploration, en formation à CASABLANCA, m'y envoie ainsi que quatre de mes camarades.

[hr]

[1] Coffre : Jetée d'amarrage
[2] DK: "Le Dunkerque"

Attaque de MERS-EL-KEBIR du 3 au 6 Juillet 1940



[table][tr][td]
Figure 5 : L'Amiral Gensoul
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                    3 Juillet 1940 Mais il en est autrement. Vers 9 Heures du matin nous voyons apparaître en face d'ORAN un contre-torpilleur que nous prenons tout d'abord pour un italien. Nous n'y attachons pas tellement d'importance parce que nous pensons que ce sont les membres de la commission d'armistice. Bientôt nous apprenons que ce navire n'est pas italien mais anglais. Au même moment je vois l'Amiral GENSOUL sur la plage arrière. Je l'entends donner l'ordre à un officier de surveiller les mouvements du navire en question. Presque aussitôt, sans que nous comprenions pourquoi, on commence d'amener les tentes, pendant qu'une bordée de mécaniciens prend le service "à la mer" et commence à allumer les feux. Sur les passerelles les ordres sont transmis sans arrêt par pavillon et par scott. Dans toute l'escadre règne maintenant une activité inaccoutumée que nous ne pouvons nous expliquer. Au large, nous voyons apparaître toute escadre. Parmi les grosses unités il nous est facile de reconnaître entre autres le "HOOD". Peu après nous mettons rapidement en état de marche nos deux hydravions et nous les plaçons sur l'eau, en ne sachant toujours rien de ce qui se passe. Tout à coup nous voyons le navire anglais s'éloigner d'ORAN. C'est alors que nous apprenons qu'un destroyer est chargé par l'amiral anglais de venir nous imposer un ultimatum selon lequel nous nous joignons à eux ou nous coulons sur place notre escadre. Cet ultimatum est naturellement jugé inacceptable. Nous répondons que nous répondrons à la force par la force. Le destroyer s'en va. La mer se couvre de brume qui nous masque à la vue de l'escadre anglaise. Tout est calme, chacun de nous se demande ce que tout cela peut bien signifier.





Peu avant le repas, pendant un moment de détente, alors que nous discutons entre nous des propositions anglaises que personne n'arrive à expliquer, nous voyons apparaître brusquement un groupe de cinq appareils de "l'ARK ROYAL" qui viennent miner la passe et disparaissent aussitôt. Ils sont suivis par d'autres avions lesquels survolent désormais, sans interruption, l'escadre. Depuis 11 heures du matin nos deux hydravions sont aux coffres *[1] et maintenant il est 14 heures. Nous attendons depuis un bon moment sur la plage arrière l'ordre de partir. Vers 15 heures une vedette vient nous chercher pour nous conduire à bord de nos "hydros". L'ordre de décoller doit nous être signifié du "DUNKERQUE" par projecteur.



 



Pendant plus de deux heures et demie, nous restons attendre cet ordre qui ne vient pas. A côté de nous se trouvent le 2° "taxi" du DK [2] et les deux du "STRASBOURG". Pendant ce temps l'aviation de l'ARK-ROYAL ne cesse de survoler l'escadre. Certains avions descendent même à moins de 100 m. A deux reprises l'équipage a été mis au poste de combat. Vers 17H30 on fait rompre l'alerte. Quant à nous, nous nous demandons bien à quoi rime cette comédie. Lorsqu'à nouveau une vedette vient du bord nous prendre pour dîner. Nous pensons alors que tout est terminé, mais à peine arrivons-nous à la hauteur du "DUNKERQUE" qu'un officier nous fait signe, du haut de la passerelle, de faire demi-tour. Nous avons juste le temps de retourner sur notre hydravion que sonne, une nouvelle fois, l'appel au poste de combat, et que simultanément l'ordre d'appareillage est donné. Quelques minutes impressionnantes s'écoulent lorsque retentissent quatre fortes détonations suivies d'autant de gerbes d'eau. Puis ce sont plusieurs autres explosions. Nous venons de larguer l'amarre du coffre quand je vois une flamme immense sortir de la cheminée centrale du "BRETAGNE" mon ancien navire.



 



[table][tr][td]
Figure 6: La Bretagne en flammes, coule.
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[/tr]
[/table]
   Nous avons réussi à mettre le moteur en route et nous nous apprêtons à décoller, quand, au milieu de cet enfer, une explosion fantastique retentit du "BRETAGNE", tout entier en flamme, entraînant avec lui, au fond de l'eau, les 1100 hommes à bord.





Nous sommes en l'air depuis quelques minutes, en direction de l'escadre anglaise, lorsque le pilote fait un piqué vertigineux et nous fait amerrir. Nous avons été pris en chasse par un avion de l'ark-royal qui disparaît presque aussitôt. Nous reprenons l'air et nous nous approchons de l'escadre anglaise. Nous apercevons trois destroyers anglais qui se dirigent vers GIBRALTAR. Nous les signalons par radio, mais n'ayant pas de bombes nous sommes obligés de les laisser continuer leur route. Sans réponse du DUNKERQUE à nos messages, ne le voyant pas hors de la rade, nous faisons route vers MERS-EL-KEBIR.



Là s'offre à nous le plus tragique des spectacles. Un cuirassé est complètement retourné, seule la quille émerge encore. Un autre est échoué, ainsi que le DUNKERQUE. Un contre-torpilleur a tout l'arrière en flammes. Le capitaine voyant que nous n'avons rien d'utile à faire en l'air décide de se poser. La manœuvre s'avère délicate devant les débris de toutes sortes qui couvrent la rade. Cependant tout se passe bien, nous prenons un coffre. Une vedette vient nous ramener à bord. Pour monter sur la coupée arrière, il nous faut faire de véritables acrobaties parce qu’un obus de 406 avait, entre autres, supprimé plusieurs échelons. En accédant sur la plage arrière, nous nous heurtons à des débris de ferraille et de bois. Un obus avait détruit ou endommagé la coupée avant, le hangar d'aviation, le pont et la cloison bâbord sans éclater. On nous apprend qu'un autre obus a percé la cloison tribord et a sectionné un collecteur principal de vapeur, bloquant deux "rues" de chauffe et faisant un grand nombre de victimes parmi les chauffeurs et les mécaniciens. C'est ce qui explique l'échappement intempestif de va­peur par la cheminée qui avait fait craindre une autre explosion. Un troisième obus est tombé dans une soute à munitions de 130. Un quatrième projectile a atteint la tourelle 2 de 330, tuant la moitié de ses occupants. Nous étions venus prendre les ordres concernant notre avion, mais la seule chose qui importait maintenant était l'évacuation du navire. La vie à bord était devenue impossible. La plupart des tranches (compartiments) étaient noyées, la vapeur sortait de partout. Il s'exhalait une odeur indéfinissable de cadavre grillé. En effet, nous remontons des chaufferies et salles des machines plus guère que des morts ou mourants horriblement mutilés et défigurés.



Figure 7 Cercueils sur le pont du Dunkerque



Quant aux survivants, nous les rassemblons sur la plage avant. On nous distribue un repas sommaire. Nous terminons notre dîner improvisé lorsque retentit la sonnerie aux couleurs. Je n'ai jamais connu de minutes plus émouvantes. Tandis qu'aux accents du clairon, est doucement amené le drapeau, la rade tout entière prend un aspect apocalyptique. Le "BRETAGNE" retourné s'enfonce lentement dans les flots entraînant avec lui tout son équipage. Le "MOGADOR" est entouré d'un épais panache de fumée noire.



 



Le "PROVENCE" donne de la bande, le "DUNKERQUE" fait de même. La mer est recouverte d'une épaisse couche de mazout de laquelle émerge des débris épars. Aux derniers sons du clairon succède un instant de silence qui fait place au cri de "Vive la France" ! De la magnifique escadre qui se trouvait réunie quelques heures plus tôt, seul, des quatre cuirassés, le "STRASBOURG" a pu sortir de la rade, entraînant avec lui les filets qui fermaient la passe et protégeant par son tir, les torpilleurs et contre-torpilleurs qui ont pu le suivre.



Figure 8 Les navires à Mers el Kebir



 Nous entendons un tir nourri de DCA de navires anglais dirigés sur nos hydravions venus d'ARZEW bombarder l'ark royal. Bientôt la nuit vient mettre son voile sur ce carnage. Le commandant ayant fait accoster deux chalutiers, nous commençons l'évacuation qui dure une bonne heure. On nous dépose sur la digue où nous passons la plus grande partie de la nuit, non sans avoir changé vingt fois de place. Finalement vers 3 heures du matin nous retournons à bord récupérer le plus possible de nos effets. Cette fois les abords du "DK" sont occupés par d’immenses radeaux. Nous accostons l'un d'eux, mais nous devons attendre un moment avant de monter à bord car on descend sans arrêt des cadavres que l'on a enveloppés dans des hamacs. Une vingtaine se trouve déjà sur le radeau. C'est un spectacle effrayant. Lorsque nous arrivons sur le pont, nous constatons que les abords de l'infirmerie ont été déblayés. On apprend que l'on remonte toujours des morts, des mourants et quelques rescapés. Nous faisons un détour pour nous diriger vers l'arrière parmi des débris de ferraille. Notre "tranche" n'a pratiquement pas été touchée. Par contre il y a de l'eau presque partout. Nous faisons rapidement nos sacs puis nous retournons sur le chalutier. Nous attendons encore une heure avant d'être ramenés au quai. Là encore nous accostons un radeau couvert de cadavres qu'une corvée charge dans une camionnette. Sur les quais nous avançons avec peine car il fait nuit noire et là aussi des débris jonchent le sol. Nous attendons une heure ou deux allongés sur nos ceintures de sauvetage. Ensuite nous sommes rassemblés pour être dirigés sur ORAN. Nos bagages doivent être chargés dans une camionnette alors que nous montons dans un camion pour le déplacement. En arrivant en ville, je m'aperçois que mon sac et ma valise contenant près d'un millier de francs n'ont pas été chargés. C'était toute ma fortune. Je dois donc retourner sur le quai. Après de nombreuses recherches parmi des centaines de sacs et valises, je découvre enfin mon bien. Je retourne alors à O­RAN où nous sommes hébergés dans une école. Nous y demeurons près de 2 jours.



Sur le "CHAMPOLLION" du 5 au 9 juillet 1940



Le 5 Juillet 1940



Vers 15, 16 heures de l'après-midi l'équipage du "DK" est embarqué, provisoirement, à bord du paquebot "Champollion". Nos bagages, cette fois, nous précèdent et sont placés dans la cale avant du bateau. Je retrouve à bord une partie de mes camarades. Des mécaniciens, électriciens, chauffeurs et d'autres volontaires valides étaient retournés sur le "DK", dès le lendemain de l'attaque pour retirer les cadavres qui s'y trouvaient encore. Selon leurs dires, il restait encore une machine capable d'être mise en marche. On espérait déséchouer le cuirassé. C'est pourquoi 300 hommes se trouvaient encore à bord. Nous sommes installés dans les logements de passagers des 4° et 5° classes. Les locaux ne sont pas propres mais nous mangeons chaud et nous avons de quoi nous reposer. La nuit se passe sans incident.



Le 6 Juillet 1940

Le lendemain matin nous nous levons, comme d'habitude, vers 6 heures. Nous sommes tranquillement à prendre notre "jus" sur la plage avant lorsque nous entendons le bruit de moteur d'un avion. Nous regardons dans la direction. Nous reconnaissons aisément les avions de l'ark-royal. Ce sont eux aussi qui avaient posé des mines magnétiques 3 jours auparavant. Ils volent à basse altitude, par groupe de 3. Ils se dirigent vers notre cuirassé. Aussitôt après, de fortes explosions se produisent. Notre malheureux navire est attaqué, cette fois à la torpille. Le plus triste est la présence de 300 hommes à bord. Des chalutiers sont amarrés de chaque bord du DUNKERQUE dans le but d'évacuer le personnel en cas d'alerte. L'un d'eux reçoit la première torpille qui le sectionne en deux et envoie sa passerelle s'écraser sur la plage avant du DK où se trouve rassemblé une grande partie de l'équipage. Un grand nombre est tué par la violence de l'explosion et par les éclats et projectiles qui tombent sur eux. L'autre chalutier est également torpillé. Il coule à pic. Une troisième torpille pénètre dans le flanc tribord avant. Elle y fait une énorme brèche. L'explosion cause encore de nouvelles victimes. Enfin les aviateurs anglais, non contents sans doute de leurs résultats, attaquent maintenant à la mitrailleuse les malheureux qui se sauvent à la nage ou dans des embarcations. Ils repartent en rase-motte de même qu'ils sont venus pour éviter les tirs de la DCA. Le nombre des victimes est, au moins égal, sinon supérieur à celui de la première attaque. Cette fois le navire est complètement abandonné. Les quelques rescapés viennent nous rejoindre sur le CHAMPOLLION. Je reste encore 3 jours sur le paquebot. Mon capitaine se souvenant de mon volontariat pour être intégré dans une escadrille d'exploration, en formation à CASABLANCA, m'y envoie ainsi que quatre de mes camarades.



[hr]



[1] Coffre : Jetée d'amarrage
[2] DK: "Le Dunkerque"

Attaque de MERS-EL-KEBIR du 3 au 6 Juillet 1940



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Figure 5 : L'Amiral Gensoul
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                    3 Juillet 1940 Mais il en est autrement. Vers 9 Heures du matin nous voyons apparaître en face d'ORAN un contre-torpilleur que nous prenons tout d'abord pour un italien. Nous n'y attachons pas tellement d'importance parce que nous pensons que ce sont les membres de la commission d'armistice. Bientôt nous apprenons que ce navire n'est pas italien mais anglais. Au même moment je vois l'Amiral GENSOUL sur la plage arrière. Je l'entends donner l'ordre à un officier de surveiller les mouvements du navire en question. Presque aussitôt, sans que nous comprenions pourquoi, on commence d'amener les tentes, pendant qu'une bordée de mécaniciens prend le service "à la mer" et commence à allumer les feux. Sur les passerelles les ordres sont transmis sans arrêt par pavillon et par scott. Dans toute l'escadre règne maintenant une activité inaccoutumée que nous ne pouvons nous expliquer. Au large, nous voyons apparaître toute escadre. Parmi les grosses unités il nous est facile de reconnaître entre autres le "HOOD". Peu après nous mettons rapidement en état de marche nos deux hydravions et nous les plaçons sur l'eau, en ne sachant toujours rien de ce qui se passe. Tout à coup nous voyons le navire anglais s'éloigner d'ORAN. C'est alors que nous apprenons qu'un destroyer est chargé par l'amiral anglais de venir nous imposer un ultimatum selon lequel nous nous joignons à eux ou nous coulons sur place notre escadre. Cet ultimatum est naturellement jugé inacceptable. Nous répondons que nous répondrons à la force par la force. Le destroyer s'en va. La mer se couvre de brume qui nous masque à la vue de l'escadre anglaise. Tout est calme, chacun de nous se demande ce que tout cela peut bien signifier.





Peu avant le repas, pendant un moment de détente, alors que nous discutons entre nous des propositions anglaises que personne n'arrive à expliquer, nous voyons apparaître brusquement un groupe de cinq appareils de "l'ARK ROYAL" qui viennent miner la passe et disparaissent aussitôt. Ils sont suivis par d'autres avions lesquels survolent désormais, sans interruption, l'escadre. Depuis 11 heures du matin nos deux hydravions sont aux coffres *[1] et maintenant il est 14 heures. Nous attendons depuis un bon moment sur la plage arrière l'ordre de partir. Vers 15 heures une vedette vient nous chercher pour nous conduire à bord de nos "hydros". L'ordre de décoller doit nous être signifié du "DUNKERQUE" par projecteur.



 



Pendant plus de deux heures et demie, nous restons attendre cet ordre qui ne vient pas. A côté de nous se trouvent le 2° "taxi" du DK [2] et les deux du "STRASBOURG". Pendant ce temps l'aviation de l'ARK-ROYAL ne cesse de survoler l'escadre. Certains avions descendent même à moins de 100 m. A deux reprises l'équipage a été mis au poste de combat. Vers 17H30 on fait rompre l'alerte. Quant à nous, nous nous demandons bien à quoi rime cette comédie. Lorsqu'à nouveau une vedette vient du bord nous prendre pour dîner. Nous pensons alors que tout est terminé, mais à peine arrivons-nous à la hauteur du "DUNKERQUE" qu'un officier nous fait signe, du haut de la passerelle, de faire demi-tour. Nous avons juste le temps de retourner sur notre hydravion que sonne, une nouvelle fois, l'appel au poste de combat, et que simultanément l'ordre d'appareillage est donné. Quelques minutes impressionnantes s'écoulent lorsque retentissent quatre fortes détonations suivies d'autant de gerbes d'eau. Puis ce sont plusieurs autres explosions. Nous venons de larguer l'amarre du coffre quand je vois une flamme immense sortir de la cheminée centrale du "BRETAGNE" mon ancien navire.



 



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Figure 6: La Bretagne en flammes, coule.
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   Nous avons réussi à mettre le moteur en route et nous nous apprêtons à décoller, quand, au milieu de cet enfer, une explosion fantastique retentit du "BRETAGNE", tout entier en flamme, entraînant avec lui, au fond de l'eau, les 1100 hommes à bord.





Nous sommes en l'air depuis quelques minutes, en direction de l'escadre anglaise, lorsque le pilote fait un piqué vertigineux et nous fait amerrir. Nous avons été pris en chasse par un avion de l'ark-royal qui disparaît presque aussitôt. Nous reprenons l'air et nous nous approchons de l'escadre anglaise. Nous apercevons trois destroyers anglais qui se dirigent vers GIBRALTAR. Nous les signalons par radio, mais n'ayant pas de bombes nous sommes obligés de les laisser continuer leur route. Sans réponse du DUNKERQUE à nos messages, ne le voyant pas hors de la rade, nous faisons route vers MERS-EL-KEBIR.



Là s'offre à nous le plus tragique des spectacles. Un cuirassé est complètement retourné, seule la quille émerge encore. Un autre est échoué, ainsi que le DUNKERQUE. Un contre-torpilleur a tout l'arrière en flammes. Le capitaine voyant que nous n'avons rien d'utile à faire en l'air décide de se poser. La manœuvre s'avère délicate devant les débris de toutes sortes qui couvrent la rade. Cependant tout se passe bien, nous prenons un coffre. Une vedette vient nous ramener à bord. Pour monter sur la coupée arrière, il nous faut faire de véritables acrobaties parce qu’un obus de 406 avait, entre autres, supprimé plusieurs échelons. En accédant sur la plage arrière, nous nous heurtons à des débris de ferraille et de bois. Un obus avait détruit ou endommagé la coupée avant, le hangar d'aviation, le pont et la cloison bâbord sans éclater. On nous apprend qu'un autre obus a percé la cloison tribord et a sectionné un collecteur principal de vapeur, bloquant deux "rues" de chauffe et faisant un grand nombre de victimes parmi les chauffeurs et les mécaniciens. C'est ce qui explique l'échappement intempestif de va­peur par la cheminée qui avait fait craindre une autre explosion. Un troisième obus est tombé dans une soute à munitions de 130. Un quatrième projectile a atteint la tourelle 2 de 330, tuant la moitié de ses occupants. Nous étions venus prendre les ordres concernant notre avion, mais la seule chose qui importait maintenant était l'évacuation du navire. La vie à bord était devenue impossible. La plupart des tranches (compartiments) étaient noyées, la vapeur sortait de partout. Il s'exhalait une odeur indéfinissable de cadavre grillé. En effet, nous remontons des chaufferies et salles des machines plus guère que des morts ou mourants horriblement mutilés et défigurés.



Figure 7 Cercueils sur le pont du Dunkerque



Quant aux survivants, nous les rassemblons sur la plage avant. On nous distribue un repas sommaire. Nous terminons notre dîner improvisé lorsque retentit la sonnerie aux couleurs. Je n'ai jamais connu de minutes plus émouvantes. Tandis qu'aux accents du clairon, est doucement amené le drapeau, la rade tout entière prend un aspect apocalyptique. Le "BRETAGNE" retourné s'enfonce lentement dans les flots entraînant avec lui tout son équipage. Le "MOGADOR" est entouré d'un épais panache de fumée noire.



 



Le "PROVENCE" donne de la bande, le "DUNKERQUE" fait de même. La mer est recouverte d'une épaisse couche de mazout de laquelle émerge des débris épars. Aux derniers sons du clairon succède un instant de silence qui fait place au cri de "Vive la France" ! De la magnifique escadre qui se trouvait réunie quelques heures plus tôt, seul, des quatre cuirassés, le "STRASBOURG" a pu sortir de la rade, entraînant avec lui les filets qui fermaient la passe et protégeant par son tir, les torpilleurs et contre-torpilleurs qui ont pu le suivre.



Figure 8 Les navires à Mers el Kebir



 Nous entendons un tir nourri de DCA de navires anglais dirigés sur nos hydravions venus d'ARZEW bombarder l'ark royal. Bientôt la nuit vient mettre son voile sur ce carnage. Le commandant ayant fait accoster deux chalutiers, nous commençons l'évacuation qui dure une bonne heure. On nous dépose sur la digue où nous passons la plus grande partie de la nuit, non sans avoir changé vingt fois de place. Finalement vers 3 heures du matin nous retournons à bord récupérer le plus possible de nos effets. Cette fois les abords du "DK" sont occupés par d’immenses radeaux. Nous accostons l'un d'eux, mais nous devons attendre un moment avant de monter à bord car on descend sans arrêt des cadavres que l'on a enveloppés dans des hamacs. Une vingtaine se trouve déjà sur le radeau. C'est un spectacle effrayant. Lorsque nous arrivons sur le pont, nous constatons que les abords de l'infirmerie ont été déblayés. On apprend que l'on remonte toujours des morts, des mourants et quelques rescapés. Nous faisons un détour pour nous diriger vers l'arrière parmi des débris de ferraille. Notre "tranche" n'a pratiquement pas été touchée. Par contre il y a de l'eau presque partout. Nous faisons rapidement nos sacs puis nous retournons sur le chalutier. Nous attendons encore une heure avant d'être ramenés au quai. Là encore nous accostons un radeau couvert de cadavres qu'une corvée charge dans une camionnette. Sur les quais nous avançons avec peine car il fait nuit noire et là aussi des débris jonchent le sol. Nous attendons une heure ou deux allongés sur nos ceintures de sauvetage. Ensuite nous sommes rassemblés pour être dirigés sur ORAN. Nos bagages doivent être chargés dans une camionnette alors que nous montons dans un camion pour le déplacement. En arrivant en ville, je m'aperçois que mon sac et ma valise contenant près d'un millier de francs n'ont pas été chargés. C'était toute ma fortune. Je dois donc retourner sur le quai. Après de nombreuses recherches parmi des centaines de sacs et valises, je découvre enfin mon bien. Je retourne alors à O­RAN où nous sommes hébergés dans une école. Nous y demeurons près de 2 jours.



Sur le "CHAMPOLLION" du 5 au 9 juillet 1940



Le 5 Juillet 1940



Vers 15, 16 heures de l'après-midi l'équipage du "DK" est embarqué, provisoirement, à bord du paquebot "Champollion". Nos bagages, cette fois, nous précèdent et sont placés dans la cale avant du bateau. Je retrouve à bord une partie de mes camarades. Des mécaniciens, électriciens, chauffeurs et d'autres volontaires valides étaient retournés sur le "DK", dès le lendemain de l'attaque pour retirer les cadavres qui s'y trouvaient encore. Selon leurs dires, il restait encore une machine capable d'être mise en marche. On espérait déséchouer le cuirassé. C'est pourquoi 300 hommes se trouvaient encore à bord. Nous sommes installés dans les logements de passagers des 4° et 5° classes. Les locaux ne sont pas propres mais nous mangeons chaud et nous avons de quoi nous reposer. La nuit se passe sans incident.



Le 6 Juillet 1940

Le lendemain matin nous nous levons, comme d'habitude, vers 6 heures. Nous sommes tranquillement à prendre notre "jus" sur la plage avant lorsque nous entendons le bruit de moteur d'un avion. Nous regardons dans la direction. Nous reconnaissons aisément les avions de l'ark-royal. Ce sont eux aussi qui avaient posé des mines magnétiques 3 jours auparavant. Ils volent à basse altitude, par groupe de 3. Ils se dirigent vers notre cuirassé. Aussitôt après, de fortes explosions se produisent. Notre malheureux navire est attaqué, cette fois à la torpille. Le plus triste est la présence de 300 hommes à bord. Des chalutiers sont amarrés de chaque bord du DUNKERQUE dans le but d'évacuer le personnel en cas d'alerte. L'un d'eux reçoit la première torpille qui le sectionne en deux et envoie sa passerelle s'écraser sur la plage avant du DK où se trouve rassemblé une grande partie de l'équipage. Un grand nombre est tué par la violence de l'explosion et par les éclats et projectiles qui tombent sur eux. L'autre chalutier est également torpillé. Il coule à pic. Une troisième torpille pénètre dans le flanc tribord avant. Elle y fait une énorme brèche. L'explosion cause encore de nouvelles victimes. Enfin les aviateurs anglais, non contents sans doute de leurs résultats, attaquent maintenant à la mitrailleuse les malheureux qui se sauvent à la nage ou dans des embarcations. Ils repartent en rase-motte de même qu'ils sont venus pour éviter les tirs de la DCA. Le nombre des victimes est, au moins égal, sinon supérieur à celui de la première attaque. Cette fois le navire est complètement abandonné. Les quelques rescapés viennent nous rejoindre sur le CHAMPOLLION. Je reste encore 3 jours sur le paquebot. Mon capitaine se souvenant de mon volontariat pour être intégré dans une escadrille d'exploration, en formation à CASABLANCA, m'y envoie ainsi que quatre de mes camarades.



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[1] Coffre : Jetée d'amarrage
[2] DK: "Le Dunkerque"

Attaque de MERS-EL-KEBIR du 3 au 6 Juillet 1940



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Figure 5 : L'Amiral Gensoul
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                    3 Juillet 1940 Mais il en est autrement. Vers 9 Heures du matin nous voyons apparaître en face d'ORAN un contre-torpilleur que nous prenons tout d'abord pour un italien. Nous n'y attachons pas tellement d'importance parce que nous pensons que ce sont les membres de la commission d'armistice. Bientôt nous apprenons que ce navire n'est pas italien mais anglais. Au même moment je vois l'Amiral GENSOUL sur la plage arrière. Je l'entends donner l'ordre à un officier de surveiller les mouvements du navire en question. Presque aussitôt, sans que nous comprenions pourquoi, on commence d'amener les tentes, pendant qu'une bordée de mécaniciens prend le service "à la mer" et commence à allumer les feux. Sur les passerelles les ordres sont transmis sans arrêt par pavillon et par scott. Dans toute l'escadre règne maintenant une activité inaccoutumée que nous ne pouvons nous expliquer. Au large, nous voyons apparaître toute escadre. Parmi les grosses unités il nous est facile de reconnaître entre autres le "HOOD". Peu après nous mettons rapidement en état de marche nos deux hydravions et nous les plaçons sur l'eau, en ne sachant toujours rien de ce qui se passe. Tout à coup nous voyons le navire anglais s'éloigner d'ORAN. C'est alors que nous apprenons qu'un destroyer est chargé par l'amiral anglais de venir nous imposer un ultimatum selon lequel nous nous joignons à eux ou nous coulons sur place notre escadre. Cet ultimatum est naturellement jugé inacceptable. Nous répondons que nous répondrons à la force par la force. Le destroyer s'en va. La mer se couvre de brume qui nous masque à la vue de l'escadre anglaise. Tout est calme, chacun de nous se demande ce que tout cela peut bien signifier.





Peu avant le repas, pendant un moment de détente, alors que nous discutons entre nous des propositions anglaises que personne n'arrive à expliquer, nous voyons apparaître brusquement un groupe de cinq appareils de "l'ARK ROYAL" qui viennent miner la passe et disparaissent aussitôt. Ils sont suivis par d'autres avions lesquels survolent désormais, sans interruption, l'escadre. Depuis 11 heures du matin nos deux hydravions sont aux coffres *[1] et maintenant il est 14 heures. Nous attendons depuis un bon moment sur la plage arrière l'ordre de partir. Vers 15 heures une vedette vient nous chercher pour nous conduire à bord de nos "hydros". L'ordre de décoller doit nous être signifié du "DUNKERQUE" par projecteur.



 



Pendant plus de deux heures et demie, nous restons attendre cet ordre qui ne vient pas. A côté de nous se trouvent le 2° "taxi" du DK [2] et les deux du "STRASBOURG". Pendant ce temps l'aviation de l'ARK-ROYAL ne cesse de survoler l'escadre. Certains avions descendent même à moins de 100 m. A deux reprises l'équipage a été mis au poste de combat. Vers 17H30 on fait rompre l'alerte. Quant à nous, nous nous demandons bien à quoi rime cette comédie. Lorsqu'à nouveau une vedette vient du bord nous prendre pour dîner. Nous pensons alors que tout est terminé, mais à peine arrivons-nous à la hauteur du "DUNKERQUE" qu'un officier nous fait signe, du haut de la passerelle, de faire demi-tour. Nous avons juste le temps de retourner sur notre hydravion que sonne, une nouvelle fois, l'appel au poste de combat, et que simultanément l'ordre d'appareillage est donné. Quelques minutes impressionnantes s'écoulent lorsque retentissent quatre fortes détonations suivies d'autant de gerbes d'eau. Puis ce sont plusieurs autres explosions. Nous venons de larguer l'amarre du coffre quand je vois une flamme immense sortir de la cheminée centrale du "BRETAGNE" mon ancien navire.



 



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Figure 6: La Bretagne en flammes, coule.
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   Nous avons réussi à mettre le moteur en route et nous nous apprêtons à décoller, quand, au milieu de cet enfer, une explosion fantastique retentit du "BRETAGNE", tout entier en flamme, entraînant avec lui, au fond de l'eau, les 1100 hommes à bord.





Nous sommes en l'air depuis quelques minutes, en direction de l'escadre anglaise, lorsque le pilote fait un piqué vertigineux et nous fait amerrir. Nous avons été pris en chasse par un avion de l'ark-royal qui disparaît presque aussitôt. Nous reprenons l'air et nous nous approchons de l'escadre anglaise. Nous apercevons trois destroyers anglais qui se dirigent vers GIBRALTAR. Nous les signalons par radio, mais n'ayant pas de bombes nous sommes obligés de les laisser continuer leur route. Sans réponse du DUNKERQUE à nos messages, ne le voyant pas hors de la rade, nous faisons route vers MERS-EL-KEBIR.



Là s'offre à nous le plus tragique des spectacles. Un cuirassé est complètement retourné, seule la quille émerge encore. Un autre est échoué, ainsi que le DUNKERQUE. Un contre-torpilleur a tout l'arrière en flammes. Le capitaine voyant que nous n'avons rien d'utile à faire en l'air décide de se poser. La manœuvre s'avère délicate devant les débris de toutes sortes qui couvrent la rade. Cependant tout se passe bien, nous prenons un coffre. Une vedette vient nous ramener à bord. Pour monter sur la coupée arrière, il nous faut faire de véritables acrobaties parce qu’un obus de 406 avait, entre autres, supprimé plusieurs échelons. En accédant sur la plage arrière, nous nous heurtons à des débris de ferraille et de bois. Un obus avait détruit ou endommagé la coupée avant, le hangar d'aviation, le pont et la cloison bâbord sans éclater. On nous apprend qu'un autre obus a percé la cloison tribord et a sectionné un collecteur principal de vapeur, bloquant deux "rues" de chauffe et faisant un grand nombre de victimes parmi les chauffeurs et les mécaniciens. C'est ce qui explique l'échappement intempestif de va­peur par la cheminée qui avait fait craindre une autre explosion. Un troisième obus est tombé dans une soute à munitions de 130. Un quatrième projectile a atteint la tourelle 2 de 330, tuant la moitié de ses occupants. Nous étions venus prendre les ordres concernant notre avion, mais la seule chose qui importait maintenant était l'évacuation du navire. La vie à bord était devenue impossible. La plupart des tranches (compartiments) étaient noyées, la vapeur sortait de partout. Il s'exhalait une odeur indéfinissable de cadavre grillé. En effet, nous remontons des chaufferies et salles des machines plus guère que des morts ou mourants horriblement mutilés et défigurés.



Figure 7 Cercueils sur le pont du Dunkerque



Quant aux survivants, nous les rassemblons sur la plage avant. On nous distribue un repas sommaire. Nous terminons notre dîner improvisé lorsque retentit la sonnerie aux couleurs. Je n'ai jamais connu de minutes plus émouvantes. Tandis qu'aux accents du clairon, est doucement amené le drapeau, la rade tout entière prend un aspect apocalyptique. Le "BRETAGNE" retourné s'enfonce lentement dans les flots entraînant avec lui tout son équipage. Le "MOGADOR" est entouré d'un épais panache de fumée noire.



 



Le "PROVENCE" donne de la bande, le "DUNKERQUE" fait de même. La mer est recouverte d'une épaisse couche de mazout de laquelle émerge des débris épars. Aux derniers sons du clairon succède un instant de silence qui fait place au cri de "Vive la France" ! De la magnifique escadre qui se trouvait réunie quelques heures plus tôt, seul, des quatre cuirassés, le "STRASBOURG" a pu sortir de la rade, entraînant avec lui les filets qui fermaient la passe et protégeant par son tir, les torpilleurs et contre-torpilleurs qui ont pu le suivre.



Figure 8 Les navires à Mers el Kebir



 Nous entendons un tir nourri de DCA de navires anglais dirigés sur nos hydravions venus d'ARZEW bombarder l'ark royal. Bientôt la nuit vient mettre son voile sur ce carnage. Le commandant ayant fait accoster deux chalutiers, nous commençons l'évacuation qui dure une bonne heure. On nous dépose sur la digue où nous passons la plus grande partie de la nuit, non sans avoir changé vingt fois de place. Finalement vers 3 heures du matin nous retournons à bord récupérer le plus possible de nos effets. Cette fois les abords du "DK" sont occupés par d’immenses radeaux. Nous accostons l'un d'eux, mais nous devons attendre un moment avant de monter à bord car on descend sans arrêt des cadavres que l'on a enveloppés dans des hamacs. Une vingtaine se trouve déjà sur le radeau. C'est un spectacle effrayant. Lorsque nous arrivons sur le pont, nous constatons que les abords de l'infirmerie ont été déblayés. On apprend que l'on remonte toujours des morts, des mourants et quelques rescapés. Nous faisons un détour pour nous diriger vers l'arrière parmi des débris de ferraille. Notre "tranche" n'a pratiquement pas été touchée. Par contre il y a de l'eau presque partout. Nous faisons rapidement nos sacs puis nous retournons sur le chalutier. Nous attendons encore une heure avant d'être ramenés au quai. Là encore nous accostons un radeau couvert de cadavres qu'une corvée charge dans une camionnette. Sur les quais nous avançons avec peine car il fait nuit noire et là aussi des débris jonchent le sol. Nous attendons une heure ou deux allongés sur nos ceintures de sauvetage. Ensuite nous sommes rassemblés pour être dirigés sur ORAN. Nos bagages doivent être chargés dans une camionnette alors que nous montons dans un camion pour le déplacement. En arrivant en ville, je m'aperçois que mon sac et ma valise contenant près d'un millier de francs n'ont pas été chargés. C'était toute ma fortune. Je dois donc retourner sur le quai. Après de nombreuses recherches parmi des centaines de sacs et valises, je découvre enfin mon bien. Je retourne alors à O­RAN où nous sommes hébergés dans une école. Nous y demeurons près de 2 jours.



Sur le "CHAMPOLLION" du 5 au 9 juillet 1940



Le 5 Juillet 1940



Vers 15, 16 heures de l'après-midi l'équipage du "DK" est embarqué, provisoirement, à bord du paquebot "Champollion". Nos bagages, cette fois, nous précèdent et sont placés dans la cale avant du bateau. Je retrouve à bord une partie de mes camarades. Des mécaniciens, électriciens, chauffeurs et d'autres volontaires valides étaient retournés sur le "DK", dès le lendemain de l'attaque pour retirer les cadavres qui s'y trouvaient encore. Selon leurs dires, il restait encore une machine capable d'être mise en marche. On espérait déséchouer le cuirassé. C'est pourquoi 300 hommes se trouvaient encore à bord. Nous sommes installés dans les logements de passagers des 4° et 5° classes. Les locaux ne sont pas propres mais nous mangeons chaud et nous avons de quoi nous reposer. La nuit se passe sans incident.



Le 6 Juillet 1940

Le lendemain matin nous nous levons, comme d'habitude, vers 6 heures. Nous sommes tranquillement à prendre notre "jus" sur la plage avant lorsque nous entendons le bruit de moteur d'un avion. Nous regardons dans la direction. Nous reconnaissons aisément les avions de l'ark-royal. Ce sont eux aussi qui avaient posé des mines magnétiques 3 jours auparavant. Ils volent à basse altitude, par groupe de 3. Ils se dirigent vers notre cuirassé. Aussitôt après, de fortes explosions se produisent. Notre malheureux navire est attaqué, cette fois à la torpille. Le plus triste est la présence de 300 hommes à bord. Des chalutiers sont amarrés de chaque bord du DUNKERQUE dans le but d'évacuer le personnel en cas d'alerte. L'un d'eux reçoit la première torpille qui le sectionne en deux et envoie sa passerelle s'écraser sur la plage avant du DK où se trouve rassemblé une grande partie de l'équipage. Un grand nombre est tué par la violence de l'explosion et par les éclats et projectiles qui tombent sur eux. L'autre chalutier est également torpillé. Il coule à pic. Une troisième torpille pénètre dans le flanc tribord avant. Elle y fait une énorme brèche. L'explosion cause encore de nouvelles victimes. Enfin les aviateurs anglais, non contents sans doute de leurs résultats, attaquent maintenant à la mitrailleuse les malheureux qui se sauvent à la nage ou dans des embarcations. Ils repartent en rase-motte de même qu'ils sont venus pour éviter les tirs de la DCA. Le nombre des victimes est, au moins égal, sinon supérieur à celui de la première attaque. Cette fois le navire est complètement abandonné. Les quelques rescapés viennent nous rejoindre sur le CHAMPOLLION. Je reste encore 3 jours sur le paquebot. Mon capitaine se souvenant de mon volontariat pour être intégré dans une escadrille d'exploration, en formation à CASABLANCA, m'y envoie ainsi que quatre de mes camarades.



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[1] Coffre : Jetée d'amarrage
[2] DK: "Le Dunkerque"

Cette carte a été vue 98 fois. La carte a été crée par dlemoult le 20.08.2017 19:32

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Noël Le Moult 1937-1941

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Noël Le Moult, radio-télégraphiste volant, à bord d'un Loire 130 disparait en mer au large de Dakar en 1941, après divers embarquement depuis la France en Afrique du Nord et au Sénégal   Lire la description de la carte

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